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Julie Antoine & Yoann Etienne | Le Jour du Pain à Heyd

Julie Antoine & Yoann Etienne | Le Jour du Pain à Heyd

 

 

 

Avez-vous une idée de qui se cache derrière Le Jour du Pain ?

 

 

L’ADL est allée à la rencontre des boulangers du Jour du Pain à Heyd. Alors qu’ils viennent de fêter leur 8 ans d’existence, c’était l’occasion de faire le point avec Julie et Yoann, toujours aussi engagés et enthousiastes qu’au début !

 

ADL : Un petit coup d’œil dans le rétroviseur, ça vous dit ? Imaginiez-vous parcourir tout ce chemin ? Comment regardez-vous ces premières années ?


Julie & Yoann : C’est plutôt positif. Notre modèle économique est basé sur la proximité, sur peu de jours de production (d’où notre nom), sur des farines locales et bios et sur un financement participatif (ndlr : un crowdfunding avant l’heure avait été lancé pour démarrer avec des parrains donateurs rémunérés en pains). Il était tellement innovant en 2013 que nous avons bénéficié d’une couverture médiatique très forte et très positive dès le lancement. En quelques mois, nous avions trouvé notre clientèle et même au-delà. Nous qui pensions travailler principalement avec les gens du village, nous avons vite élargi la notion de « local ». Au fil de ces 8 années, nous avons aussi pris le temps de mettre au monde deux gamins et de lancer un rendez-vous convivial très apprécié : le marché des producteurs et artisans de la fin août à Heyd.

 

ADL : Et votre identité intrinsèque n’a pas pris une ride ! Vous êtes toujours sur la même gamme de produits ? 


J&Y : Bien sûr, nous tenons à rester fidèles à nos valeurs de base. Point de vue pains, la gamme des classiques "Froments, Seigles, Epeautres, Multicéréales et Blés Anciens" (voir sur le site) a été étoffée de pains de saison comme des "Lards-oignons" ou "Cramiques et biscuits". Mais ce à quoi nous accordons le plus d’importance est l’origine des produits. Notre éthique de départ est de favoriser une rémunération équitable de tous les acteurs de la chaîne, de l’agriculteur au meunier, tout en proposant un prix juste au client.

 

ADL : Et si on décortiquait cette chaine de valeur, qui constitue en fait votre véritable ADN ?

 

J&Y : Avec plaisir ! En amont, nous nous sommes associés au Moulin de Cherain (Gouvy) car ils travaillent avec des agriculteurs semant des blés adaptés à la région. Ils sont de plus passionnés par les métiers de la paysannerie qui sont si essentiels à préserver pour la vie de nos campagnes. Le moulin fonctionne à l’énergie hydraulique. Avec eux, nous avons fixé un prix d’achat des farines  stable, indépendant des prix mondiaux du cours des céréales. L’agriculteur et le meunier sont donc garantis de gagner leur vie sans cet aléa. La Fédération des Boulangers, par exemple, nous encourage à augmenter le prix du pain progressivement. Nous nous y refusons tant que notre filière de fournisseurs est stable. Parmi les autres ingrédients que nous ajoutons, que ce soit le sel, le chocolat, le lin, le tournesol, etc., les critères équitable, circuit court et bio sont toujours privilégiés. Enfin, il nous semble important de demander un prix juste au client, pour une alimentation que nous voulons de qualité. Car nous sommes convaincus que notre santé passe aussi  par notre alimentation. Nos choix de production ne sont pas basés sur la recherche de rentabilité maximum. Nous nous satisfaisons d’une rémunération modeste par choix de vie et de consommation. La sobriété heureuse appliquée comme disait Pierre Rabhi.

 

ADL : On dit le métier de boulanger fatiguant, est-ce aussi vrai à deux ?

 

J&Y : Deux jours d’ouverture par semaine représentent en fait 60 heures de travail, et nous fabriquons 400 pains. C’est un travail très physique mais plaisant. Une journée de cuisson commence à 3h du matin et se termine vers 19h après la vente. Dès lors, pour éviter d’être tous les deux sur les genoux, l’un prépare l’atelier la veille (huiler les moules, rafraîchir le levain, fabriquer et façonner le premier four, tremper les graines…) pour la journée de l’autre et inversement. Nous avons trouvé une belle complémentarité

 

 

ADL : Et mis à part les jours d’ouverture ici, où peut-on trouver vos pains ?
 

J&Y : Ils sont disponibles dans de petites épiceries à Werbomont, Manhay, Marche, Morville et Erezée. Malheureusement, nous n’avons pas encore trouvé d’accord sur Barvaux. Nous veillons particulièrement à communiquer régulièrement via notre page Facebook ou notre newsletter. Cette dernière est tout de même envoyée à 550 abonnés. Elle nous est vitale car nous trouvons important de continuellement expliquer nos choix à nos clients. Nous savons que notre démarche est complexe et donc toute occasion est bonne de communiquer sur nos valeurs. De cette manière, nous avons créé un lien de confiance avec notre clientèle. Nous essayons aussi de partager nos connaissances sur les bénéfices diététiques de nos produits. Les infos se trouvent sur notre site.

 

ADL : Le respect d’un circuit court de manière aussi fidèle est-il encore tenable avec tous ces aléas climatiques grandissant ?


J&Y : Nous le pensons, mais c’est vrai que cela accroît la nécessité d’avoir un dialogue clair avec le client. Nous allons tomber à cours, par exemple, de blés anciens car l’été dernier a été exécrable. Nous devons le dire au client : on ne peut pas avoir de tout, tout le temps. Nous devons illustrer concrètement l’impact de ces changements climatiques ainsi que les limites de notre société de consommation. Nous espérons que notre clientèle régulière a conscience qu’acheter notre pain, c’est choisir les valeurs fortes du circuit court d’un point de vue environnemental, économique et social. Consommer un vrai produit sain et nutritif et ne pas créer une balance trop négative en termes d’impact sur la planète, c’est notre objectif. Ne dit-on pas : « Consommer, c’est voter ! » ?

 

ADL : Que peut-on vous souhaiter pour dans 10 ans ?

 

 

J&Y : Etre toujours aussi heureux de faire ce métier (rires) ! Nous commençons à constater que les enfants se prêtent au jeu. Notre aîné aime se lever à 6h, peser les pâtons, préparer les biscuits… On peut imaginer que le relais s’imprime lentement. Cela deviendrait une belle entreprise familiale. Mais ne comptez pas sur nous pour ouvrir des succursales partout en Wallonie (rires). Plus sérieusement, on sent bien que la clientèle évolue. Ces deux années de Covid ont été difficiles. Des petits commerces de proximité comme le nôtre sont très vite fragilisés, impactés par une diminution de clientèle. Depuis l’ouverture, on rêve d’un endroit convivial devant la boulangerie où l’on pourrait prendre un verre et faire toutes les courses de la semaine, comme sur les marchés en France. On le voit bien les jours de vente, les gens aiment se rencontrer.


 

Le Jour du Pain

 

Rowe di Veule 7 | 6941 Heyd

086 36 73 46

 

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Entretien réalisé par Xavier Lechien, décembre 2021